Allude Timide
Nombre de messages : 63 Age : 37 Art(s) pratiqué(s) : Dessin, écriture, musique à l'occasion Date d'inscription : 20/04/2007
| Sujet: Coeur de Sève Ven 8 Juin - 5:26 | |
| Je mets ici une nouvelle que j'ai écrite pour une amie A vos yeux - Coeur de Sève -
[right]« Le rêveur sent brûler des âmes Dans les bleus éclairs des tisons.» Sully Prudhomme, Poésies. [/right]
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«A la nature, où tu as été enlevé. A l'harmonie dont tu as été privé.
A ce rêve que tu chérissais, A ton profond désir de fleurir. A ta volonté de ne pas partir Sans, de nous, ce que tu sais.
Au silence, auquel tu appartiens. Au baiser de ta Nuit A vous tous feux éteints. Je vous dédie ce récit ...»
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Regrets
Tu étais si étrange. Si rêveur dans l'obscurité qui te faisait briller. Comment tout cela a -t-il pu s'arrêter ? Lointain consumé au regret.... Je te pleure... C'était si simple. Si évident. Si triste, dorénavant. Tu ne reviendras plus en ces lieux désormais. Nous autres te manqueront, peut-être. Tu ne les illuminera plus les soirs où seule la lune nous salue maintenant. Pourquoi tu as fait ceci ? Je pense que je ne le saurai pas avant un certain temps... Sauf si tu reviens... Une dernière fois... Au dessus de ce lac boisé où tu t'es enfoncé pour éteindre ma blessure de feu...
Sauf si je me souviens...
Sauf si, peut-être.... Oui, sauf si peut-être.....
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Braises
Tu venais d'avoir dix ans.
C'était le jour de ton anniversaire. C'était le jour du Rituel. C'était le jour des braises.
Tu venais avec tes amis et envahissiez la vaste plaine, où l'herbe poussait sous nos cheveux, enchaînés à la terre par nos racines pleurantes. Beaucoup de créatures y venaient, beaucoup y somnollaient, mais certaines, comme toi, y venaient... Pour rêver. Secrètement... Eternellement....
Toujours près d'une souche, vous jouiez avec le vent, comme si l'avenir ne vous apportait aucun souci. Comme si le temps s'était arrêté, cet après-midi d'été. Vous êtes restés jusqu'au soir. Votre fou ballet de lumière égayai notre soirée. Vos détonnations résonnaient jusqu'à moi, enfoui dans les contrebas. Vous faisiez briller le ciel. Vous nous illuminiez de silence et de joie. Et je vous observais avec un respect beigné par les abeilles et leur miel. Pendant des mois entiers, je restais prostré dans la solitude. Seul ces étés m'étaient inoubliables.
A l'écard de tous, je poussais tranquilement. Trop tranquilement. Votre spectacle vif et agile dans les airs faisait vibrer les feuilles qui me couvraient. Mais vous étiez toujours si loin de moi. Certains des miens furent choisis pour égayer le ciel par leur squelettes enflammés. Vous aviez fini votre rituel, depuis des générations répété. Ces arbres à une nouvelle vie reviendraient. Tous les tiens étaient partis. Plus jamais ils ne reviendront avant le prochain été. Mais toi, tu étais là. Seul... J'espèrais qu'un jour vous me voyez... Peut-être est-ce ainsi que tout a commencé... Pour toi.
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Je ne voulais pas de ces règles imposées. Je voulais donner mes cendres à celui qui le mériterait. Tous ces arbres ne savaient rien de moi. Je ne les connaisais pas. Pendant que mes semblables embrasaient les arbres de cette plaine, moi, je m'égarais. En vol feutré, je me laissais porter vers les contrebas, d'où l'on semblait m'appeller. Je me lassais de ces spectacles, car je n'y avais pas ma place. Pourquoi devais-je me sacrifier avec eux ? ... Je ne pouvais plus retourner près de notre lac. Je me bannissais des miens. Je restais en foyer solitaire: Un feu a la survie précaire.
Je dévorais le peu de petit bois sec que je trouvais sur ce chemin à l'abri du soleil. Et je furetais sans soucis. Seul en peine de ma fuite. Seul criant à la faim de ce désir insassiable. Et j'errais sans but, hormis celui de fuir ces cousines gigantesques et violentes qui déchiquetaient la plaine. Ces flammes dont on me disait que je les rejoindrais. Puis c'est là que je vis le seul arbre qui ne m'étais pas étranger. Lui. Prince des premières pluies. Prince des vies qui l'ornaient. Prince des bois et Roi des Forêts. Lui. Rêve éveillé qui me refroidissait... L'unique et solitaire confident de tous les Êtres. Lui, en haut, me regardait. Et ses grands bras m'éloignaient du ciel que je me feignais d'aperçevoir.
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Puis tu es tombé sur l'herbe. Nous avions quelque chose en commun. C'était sûr. L'esprit ? La solitude? Un désir secret ? A mon égard, tu avais un minutieux respect. Tu ne m'approchais pas. De nouveau le silence accompagnais mon ennui. Monotone vie d'un arbre fleurit. Morne vie d'un arbre fini.
A mes racines nonchalantes sur la terre endolorie, tu t'es étendu. Innofensif ennemi, tu me fixais vacillant au gré d'une brise venue d'ailleurs. Mes feuilles sentaient la chaleur de ton être consumé par une faim inssassiable. Et puis tu es resté concentré en ce cercle tracé par mes pieds. Alors je frémis. Mon feuillage s'hérissait, tandis que tu prenais tout tes sortilèges. Au gré changeant d'une teinte au vert étincellant tu allais. Des petites courbes lumineuses détonnaient dans tes yeux si infimes et abyssaux.
-Que fais-tu loin du Rituel ? -Je ne suis pas des leurs, m'avais-tu répondu. -Ah, non, et qui es-tu ? -Et toi, qui es-tu ? -Un arbre, cela se voit, non ? Tu es censé le savoir. -Je suis à la nature autant que tu es à elle. Mais rien ne m'a donné le choix. Alors je le prends seul. Je choisirais l'arbre qui méritera mes cendres. Rien ne m'y empêchera. Pourquoi une telle rage dans ce choix ? t'avais-je demandé. Car je veux être ce que tu es...ce que j'ai toujours voulu être. -Tu ne peux être ce que tu n'es pas. Regarde les lueurs qui te transcendent. Elles font de toi ce que tu es. -Alors je m'éteindrais doucement, elles partiront et je serais autre. Veilleras-tu sur mon long sommeil ? -Sache que je veille sur un long sommeil déjà depuis bien des années. -Lequel ? -Celui de ce lieu. Il ne refleurit plus. La dernière fois qu'il était clair et frais, c'était il y a très longtemps. Le feu qui l'a consumé n'était pas le vôtre... -Aucun des nôtres n'est revenu ? -Aucune braise, aucun souflle amer, aucun son hormis ce silence omnipotent, entre mes branches. -Alors, je vais m'endormir ici, car je sais que tu veilleras sur cette terre. -Moi non plus, je n'ai nul autre choix.
*******
Je commençais à somnoler. Mon rêve ainsi commençais. J'allais devenir autre en m'arrêtant à une frontière inviolée. Une nature silencieuse m'accueillait en son sein. Une écorce charnelle me veillait. Je pouvais m'emdormir sans vaciller. La peur me quittait. Le souffle me manquait. J'avais faim mais me retenais. A une autre vie j'allais. Mais... *******
La nuit débutait à peine pour toi. Tu es resté étendu, pris dans un rêve secret où nul autre ne pouvait venir te troubler. Les tiens disparaissaient sans cesse. Au loin. Là-bàs, sur l'herbe. Très loin. Du haut du ciel, où je trônais, je te regardais encore, croyant que tu te réveillerais avant que tous ne s'en aille. Mais tu es resté. Seul. A croire que peut t'importais sauf ce rêve qui t'envahissait. L'obscurité ainsi grandissait, et toi tu restais là, sans oublier l'herbe que tu frôlais. Le regard vide de tout, une petite lueur y gémissait à sa fin. Tu partais peu à peu, la faute à un monde qui te délaissais.
**** Blessures
Tu ne te réveillais pas. Je m'agitais en mon écorce intèrieure, je sentais une odeur familière. Une triste odeur dépourvue de charmes sensuels. Tu l'avais sentis aussi, car tu brillais autrement. Une lueur que je ne reconnaissais. Ton corps fluide, répondait à l'écho d'un autre feu sordide. Soudain pris dans un élan fétide, je savais ce qui se passait. Mes racines auraient voulu s'arracher de terre. Mes feuilles partaient au loin, soufflées dans la vallée par une fumée noire. Mon écorce craquelait. Ton feu vacillait. Mes hanches se courbaient peu à peu . Dans ton regard se lisait la panique. Dans le mien, se lisait la fatigue.
-Qu'est-ce que ceci ? Pourquoi le vent m'agresse? Pourquoi la pluie me fouette ? -Ce n'est ni le vent, ni la pluie, t'avais-je répondu à l'agonie. Regarde autour de toi. Ces flammes sont agressives, violentes et idiotes. Elles ne sont guidées que par l'envie et la rage de celui qui les allume. -Voilà pourquoi je ne suis pas de feu... -Si tu es de feu ! Feux Follets ! Vous êtes ceux qui raniment les bois, les guident vers une aurore sans nom. Vous êtes ceux qui allongent nos racines, et baignent le ciel. Vous êtes éteints et pourtant jamais à court de vie. Et vous luttez sans cesse pour prendre vos droits sur ces flammes traitresses. - Je veux avoir des feuilles et des fleurs. Je veux voir des bourgeons et pas m'arrêter avant leur éclosion. Je veux pouvoir apercevoir le printemps. Je veux pouvoir caresser les oiseaux sans leur faire peur. Je veux pouvoir être à la terre autant que ce qu'elle est pour moi. Je veux être toi. -Tu n'auras rien de tout ceci. Pourquoi vouloir être autrement ? -Car je suis autrement, au fond de moi. -Tu restes de feu...et elles sont des flammes qui vont t'arracher à la vie que tu as en toi. -Regarde, elles approchent! Elles rongent tout, sans se soucier de ce qui peut encore rester ! Ne cherche pas en vain, à prendre ce chemin. Aventure-toi là où tu as peur d'aller.
A cet instant, une flamme dévorante errait autour de nous deux. Tu la regardais sans battre des cils. Puis tu m'as regardé. Victoire de la lune ! Ses grands rayons se levèrent sur nous. La flamme nous vit et arriva avec d'autres plus petites. Elles grimpèrent le longs de mes chevilles puis suivirent mes craquelurent. J'agonisais dans un souffle putride. Leur soufflerie bleuâtre puis rouge sang.
Que faire ? Partir et puis....
Ma respiration suffoquait. Mon esprit étroit les laissait peu à peu prendre le dessus. La sécherresse plantait ses griffes en moi. Mes feuilles tombaient sur toi. Toi , qui vagabondait sous les hochements de tes larmes chaleureuses. Puis, quoi ? ....Revenir...
Et alors tu fis ce qui me surpis le plus. Autour de moi tu avais l'air dansant. Tu te faufilai rapidement, aussi vite que l'aube pâle de l'automne approchant. Tu longeai mon être d'une chaleur touffue, d'une brise écoeurée. Tu atteignis mes yeux en éloignant ces haineuses de mon corps si las de croître seul. Ta teinte rouge orangée devint bleue et étincellait comme les lucioles des temps d'été. Tu frémissais et je pouvais sentir que ton regard si prompt au changement était lui-même changé. Tu te lovai entre les branches de ma cime, trônant sur un ennemi flamboyant. Puis tu fermai les yeux et te laissai guider par la danse vivifiante qui étais en toi. Ton corps s'égrenait en une multitude de petits frères et de petites soeurs. Elles rongèrent mon écorce faisant fuir les dernières adversaires qui ne résistèrent pas. Des lumières m'entouraient. Mon corps se brisait, bien que le temps faisait déjà son oeuvre auparavant. Mes yeux se fermèrent sur ce lieu envahit par votre feu. Vous grimpiez sur tout ce que vous pouviez trouver. Vous alliez de ci et de là pour démasquer la moindre flamme tapie dans l'ombre de leur incendie. Bientôt toute la forêt brûlerait sous ces dernières. L'écorce noire serait leur nouvel étendard de splendeur. La sècheresse, les avides racines s'empresseront de fuir. Mais, toutes vous plongèrent mon Etre entier dans une chaleur qui n'aurait su dire son nom. Une chaleur qui avait pour seul renom... Ta rêveuse abnegation. J'étais le seul, ce soir à être fièr de brûler. Telle une torche de la nouvelle année, j'allumais le ciel en dernier. L'automne approchait. L'hiver arriverait. Puis un nouveau printemps suivit d'un torride été viendraient à jamais marquer de l'empreinte de tes cendres, mes racines renouvellées.
******* - Mon esprit feutré au coin d'un feu onrique, se réchauffait de la pâle froideur de l'herbe qui passait à l'hiver. ******* Désséché à l'automne, Mon corps se métamorphosait et la terre m'embrassait.
******* - Secret froissé d'un départ étrange, je m'éteignais en même temps qu'à l'hiver de cendres tu abdiquais.
******* Et puis, vos braises se sont éteintes. Tu réapparus, une dernière fois, emporté par un vent levé par le chagrin. Les branches mortes de mes voisins fouéttèrent mon corps et emportèrent tes braises loin de notre danse funèbre...
******* - Désormais je sais où je vais...
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Adieux
Impassibles et froids au milieu de flocons grisâtres, volant contre le vent tourbillonant, mes os fragiles sont à la proie d'un nouveau cycle. L'odeur âpre d'un monde brûlé entonne le ciel pour dépeindre un acte cruel mais nécéssaire. Je sais que tu sais désormais qui tu es mais je sais aussi que cela ne t'empêche pas de rêver à être autrement. J'espère que tu trouveras ce monde que tu cherches en vain en dehors de nos écorces, sombres avaleuses de votre feu. Moi sur le vent sifflant, je m'éloigne de ces terres arides. En graine je m'envole, soufflée, bataillée de toute part. Où j'irai planté mes racines ? Je l'ignore. D'abord petites et fragiles au milieu du monde, puis reines parmi les hauts-bois. Elles gèleront, refroidiront puis se réchaufferont. Entreront en hibernation puis rêveront à de nouvelles terres en avalant celles où elles grandiront. Des champignons viendront saluer mon arrivée, des oiseaux viendront y établir leur couvée. Mes feuilles germeront de nouveaux bourgeons et ainsi je ferai fleurir de nouvelles terres. Même si je comtemple la solitude de la création en cette demeure de branches et de saisons, je sais que tu verras l'élan de nos nouvelles chansons. Je m'endore, rassuré. Désormais je sais où je vais... Je sais ce que tu cherchais... Je sais ce qui m'attends en été... Un si long sommeil, dans l'herbe verte d'une plaine humaine... Un si long oubli, dans le monde en changement... Voilà ce qui m'attends....
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Tu ne reviendras plus en ces lieux désormais. Nous autres te manqueront, peut-être. Tu ne les illuminera plus les soirs où seule la lune nous salue maintenant. Pourquoi tu as fait ceci ? Je pense que je ne le saurai pas avant un certain temps... Sauf si tu reviens... Une dernière fois... Au dessus de ce lac boisé où tu t'es enfoncé pour éteindre ma blessure de feu...
Sauf si je me souviens... Peut-être ouvriras-tu de nouveau les yeux... Peut-être verras-tu que la neige partira... Peut-être te retrouveras-tu au printemps que tu voulais admirer... Peut-être verras-tu les fleurs... Peut-être verras-tu les couvées et les sauvageonnes envolées... Peut-être verras-tu l'harmonie volée et les fleurs pasionnées... Peut-être verras-tu un printemps suivit de nul autre été... Non, c'est impossible...
Sauf si peut-être... Oui, sauf si peut-être, je te donne...
Un Coeur de Sève...
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Eliawe Créatrice
Nombre de messages : 99 Age : 32 Art(s) pratiqué(s) : Poésie, écriture, photographie Date d'inscription : 07/03/2007
| Sujet: Re: Coeur de Sève Ven 8 Juin - 5:32 | |
| Tu as une façon d'écrire absolument merveilleuse, il est facile de se perdre en tes mots qui glissent, s'accordent parfaitement... | |
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Allude Timide
Nombre de messages : 63 Age : 37 Art(s) pratiqué(s) : Dessin, écriture, musique à l'occasion Date d'inscription : 20/04/2007
| Sujet: Re: Coeur de Sève Ven 8 Juin - 5:38 | |
| Merci On a une façon d'éccrire un peu semblable en fait sauf que j'écris pas en vers | |
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Eliawe Créatrice
Nombre de messages : 99 Age : 32 Art(s) pratiqué(s) : Poésie, écriture, photographie Date d'inscription : 07/03/2007
| Sujet: Re: Coeur de Sève Ven 8 Juin - 5:40 | |
| Je ne pense pas. En fait, tout le monde à une façon d'écrire différente. Notre point commun relève sans doute de notre passion commune | |
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Allude Timide
Nombre de messages : 63 Age : 37 Art(s) pratiqué(s) : Dessin, écriture, musique à l'occasion Date d'inscription : 20/04/2007
| Sujet: Re: Coeur de Sève Ven 8 Juin - 5:54 | |
| Bien sur que chaque écriture est différente mais la perception des choses fait que certaines façon d'écrire se rapprochent Ce n'est pas pour autant qu'elle est pas personnelle, bien au contraire | |
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Eliawe Créatrice
Nombre de messages : 99 Age : 32 Art(s) pratiqué(s) : Poésie, écriture, photographie Date d'inscription : 07/03/2007
| Sujet: Re: Coeur de Sève Ven 8 Juin - 7:47 | |
| Effectivement, il existe des styles plus ou moins proches. Quoi qu'il en soit, je me delecte de chacun de tes mots. | |
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Revontuli Muet
Nombre de messages : 35 Age : 35 Art(s) pratiqué(s) : Ecriture poétique principalement, musique, photographie et retouche photo, dessin. Date d'inscription : 27/08/2007
| Sujet: Re: Coeur de Sève Lun 27 Aoû - 3:22 | |
| Un style inclassable en effet, qui se situe entre la "prose-prose" et la prose poétique. Sache que j'aime beaucoup !! | |
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Allude Timide
Nombre de messages : 63 Age : 37 Art(s) pratiqué(s) : Dessin, écriture, musique à l'occasion Date d'inscription : 20/04/2007
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